Ironbask (Episode 1)

Pour vous occuper pendant la longue trêve hivernale, je vous propose un récit mon ironman sous la forme d’un … feuilleton ! (Didier MARMORAT).

Ironbask (Episode 1)

La petite aiguille de l’horloge, sur le fronton de l’église Saint Jean Baptiste, va bientôt boucler son septième tour alors que la nuit n’a pas encore retiré son jogging noir.

Sur la plage, on distingue péniblement de sombres silhouettes qui déambulent, serrées les unes contre les autres, comme les manchots sur la banquise.

On perçoit à peine quelques chuchotements, même le clapotis des vagues semble feutré, personne n’ose déranger Donibane-Lohizune* encore endormie.

Les secondes s’égrainent. La cohorte de triathlètes glisse peu à peu jusqu’à l’eau étonnement tiède de la baie de St Jean de Luz. Les embruns, doux présage pour un ironman, pulvérisent un parfum iodé. Progressivement, une musique berce mon attente. Au début, je pense à une sorte de ronronnement puis le rythme devient plus rapide, les percussions se font plus distinctes. Je crois reconnaitre les tambours basques et j’imagine les groupes folkloriques de blanc vêtus et arborant ceinture et béret rouges.

Dans les instants qui précèdent le signal de départ et de délivrance, l’angoisse se dissipe au profit d’une joie intérieure proche de la sérénité. Libéré de ce carcan d’interrogations et de doutes, je peux enfin savourer ces moments.

Je remarque alors, que la joyeuse banda semble s’éloigner…, ce n’était, en réalité, que les battements de mon cœur…

Soudain, les premières bouées s’éclairent, dérisoires lucioles dans cette immensité encore sombre. Bientôt, la corne de brume fend le silence. C’est un peu comme une musique de générique dans une salle obscure : le film commence !

Les images, les cris, les odeurs se mêlent dans un feu d’artifice de frissons et d’émotions : mon rêve prend vie !

 Mes premières longueurs s’avèrent délicieuses : elles ont la saveur gourmande et enivrante de la première gorgée de bière. Les sensations sont exacerbées par la pénombre qui règne encore sur cet océan si calme. L’éclairage des bouées donne aux flots des reflets argentés. J’avale avec appétit les mille neuf cents mètres de la première boucle.

En regagnant le sable, une première fois, je perçois les lueurs du jour. A l’horizon, les petites maisons aux volets rouges du port de Socoa se redessinent lentement. J’adresse, dans un espagnol incertain, quelques encouragements à un ibérique compagnon de fortune ou d’infortune. Son air incrédule en dit long sur ma modeste prestation linguistique…

La deuxième boucle s’avère un peu plus délicate. Je songe alors au chemin parcouru depuis mes débuts laborieux, à cette mue pas totalement achevée qui me fait presque ressembler à un nageur… Les jambes deviennent un peu lourdes, le geste se fait plus saccadé mais qu’importe je n’ai qu’une obsession : cette arche bleue gonflée sur la plage. C‘est comme une barbe à papa à la fête foraine, un caprice d’enfant que personne ne peut résonner. Je la veux et je l’aurai !

Mon premier objectif est bientôt atteint !

L’eau douce d’une douche providentielle efface le sel déposé sur la bouche. Elle favorise aussi la métamorphose des amphibiens pour affronter le monde terrestre !

C’est avec quinze minutes d’avance sur mes estimations que je m’élance pour une longue transition. Un soleil encore timide vient réchauffer le pavé près de la criée. Je serpente au milieu des badauds matinaux qui longent le port de pêche. Ma transition sera lente mais méticuleuse : surtout ne rien oublier !

Un nouveau défi se dresse devant moi : gérer les cents quatre-vingt kilomètres de vélo en domptant le deux mille mètres de dénivelé…

* St Jean de Luz en Basque

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