Une journée au paradis par Renaud

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Manama, Swiss-Bell Hôtel 4h du petit matin…assis élégamment en caleçon sur la cuvette de la salle de bain paré de mes décalcomanies dossardiens 654 sur le mollet le bras droit et le bras gauche, le demi-gatosport passe comme une lettre à la poste et le doute m’habite l’espace d’une seconde…. qu’est-ce que je fous là ?

La seconde suivante la pensée négative s’est éclipsée d’elle-même, je suis venu me faire plaisir et surtout effacer la frustration d’une « saison » un peu amputée, en raison d’une aponévropathie au pied droit (amputée à cause d’une douleur au pied, paradoxal non ?) déclenchée par la fourberie d’un galet pointu venu se glisser sous ma foulée aérienne à la sortie de l’eau de l’Ironman de Nice le 5 Juin 2016. Résultats des courses (surtout de la course en l’occurrence) une interruption totale de course à pieds de près de trois mois et une annulation de ma participation aux championnats de France Groupe d’âge à Nice (finalement annulés in fine par les organisateurs) et surtout au marathon de Toulouse qui devait clore ma saison.

 

Parti à la recherche d’une course de fin de saison je me rabattis donc rapidement sur le half-ironman de Bahreïn qui présentait le triple avantage d’une date tardive, d’une météo en théorie clémente et d’un parcours vélo plus favorables pour les gambas que pour les crevettes avec un très faible dénivelé et des routes roulantes (sachant qu’une route pas roulante c’est un peu concept non ? A moins qu’elle ne soit maritime mais la pour le vélo cela se complique…).

 

Bon j’avoue je venais également à Bahreïn avec deux objectifs inavoués :

 

  1. Marquer des points au classement AWA Ironman pour tenter de rentrer dans le top 10% mondial synonyme de statut AWA Bronze ce qui donne quand même le droit d’acheter dans le store Ironman les boules de Noël AWA Ironman All World Athlete. (voir ci-dessous) et ainsi remercier Lotte pour tous les efforts et sacrifices consentis sur l’autel du Triathlon en général et de ma saison en particulier…

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  1. Reconnaître le parcours en ayant en tête qu’en 2017 (l’an prochain pour ceux qui ont du mal à suivre) la combinaison changement de catégorie (de jeune vieux à moins jeune vieux), épreuve de fin de saison et parcours favorable pourrait peut-être me permettre d’approcher une qualification aux championnats du monde 70.3….(il est un devoir et non un droit de rêver sinon à quoi bon s’entraîner).

 

Manama, Swiss-Bell Hôtel 4h10 du petit matin…c’est donc le cœur léger que j’entrouvre les rideaux pour constater que le sifflement persistant depuis l’heure du réveil ne relève pas d’acouphènes accompagnant souvent le durcissement du tympan des hommes mariés depuis longtemps mais bien d’un vent qui fait valser les palmes des palmiers (et oui c’est joli comme tournure mais cela ne marche pas avec tous les arbres. J’en vois d’ici en train d’essayer ….). Le vent fort accompagné de rafales à plus de 50kmh annoncé par toutes les météo consultées semble bien là. Je m’inquiète un instant mais un instant seulement, une fois rien qu’une fois de mon fier Tornado Canyon que j’ai dû abandonner à la nuit noire du Golfe dans le parc à vélo et me reconcentre sur la finalisation de ma préparation.

 

5h, montée dans le bus, direction le Four Seasons, sur une île artificielle d’où sera donné le départ. Un dernier tour dans le parc à vélo, les gourdes sont remplies, les gels de mon sponsor officiel Isostar Actifood sont « tapées » au cadre du vélo.

 

Grâce à leur formule très énergétique (97 % de l’énergie apportée par les glucides), et à leur teneur en vitamines C , E et B1, les gels fruités Actifood sont les alliés indispensables des efforts intenses et de longue durée :

– les vitamines B1 et C contribuent à un métabolisme énergétique normal

– la vitamine C contribue à réduire la fatigue en cas de déficience

– la vitamine E contribue à protéger les cellules contre le stress oxydatif

Avec une texture se démarquant de celles des gels traditionnels, leur recette exclusive est composée de vrais morceaux de fruits. Le transport et l’utilisation en cours d’effort sont facilités par leur conditionnement en pochon souple et refermable.

 

 

6h30, un petit échauffement de 10’ dans le lagon, bigre fichtre diantre, ça souffle et clapote….Pas de panique je suis plutôt à l’aise quand ça brasse (ouarf) et je commence d’ailleurs à me dire qu’entre les conditions de natation sportives et le vent sur le vélo, je me retrouve avec des conditions plutôt favorables. L’objectif est simple, nager le plus vite possible, écraser les pédales au maximum sur le vélo et limiter la casse en CAP car pour les raisons sus citées, je n’ai pas fait une sortie de plus d’1h15 ni une seule séance de VMA depuis…Nice.

 

 

7h15, c’est le départ en départ en Rolling Start 20 min après les pros, au sein desquels notre leader maximo bien vivant à nous du longue distance, Antony Costes, le Tigre. Je me place dans les premiers pour ne pas trop subir l’effet machine à laver et je me jette à l’eau, plutôt je plonge ……comme une merde. Cela commence bien j’ai les lunettes en collier de barbe, les yeux plein d’eau de mer et 800 participants aux fesses. Je réajuste le tout..

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Je me recoiffe un peu et je me lance

 

Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés les uns contre les autres
Nous ne formons qu’un seul corps
Et le flot sans effort
Nous pousse, enchaînés les uns aux autres

 

 

Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Nous éloigne les uns des autres
Je lutte et je me débats

Et surtout …j’allonge les bras

 

J’arrive à peu près à placer ma nage, je m’entête à respirer à droite face au vent et je mouline. Je tente désespérément d’attraper des  bons pieds mais comme l’expression bon pied bon œil est très galvaudée, tous les quidams dont je décide de sucer la voute plantaire s’entêtent à la perdre (la tête) et à rallonger la distance. Je décide donc de faire cavalier seul et me concentre sur l’orientation dans l’eau et sur ma flottaison. Après 28’58’’ de lutte contre les éléments, j’émerge des 1800+ m de natation. Un coup d’œil circulaire pour constater qu’il y a encore du monde dans l’eau et me voilà parti pour une transition comme je l’es adore, plus de 700m de CAP pour rejoindre le parc des vélos à pédales dans le dédale des jardins de l’hôtel. Au cours d’ une transition éclair au chocolat qui me vaudra les quolibets d’Antony Costes (« tu as fumé la pipe ou quoi ?….) je séchai avec application mes pieds (quand on en a que deux on fait attention monsieur), enfilai mes petites chaussettes et ajustai consciencieusement mes chaussures de vélo….L’objectif principal de la journée, un gros vélo m’attendait, je me devais d’être fin prêt. Nouveau coup d’œil circulaire, tient la plupart des vélos (qui sont classés par groupe d’âge) sont encore là, pas surprenant finalement, je suis parti dans les premiers du Rolling Start et j’ai le sentiment d’avoir plutôt nagé fort. Il s’avèrera que j’ai finalement sorti le 4ème temps de mon Groupe d’âge, merci les séances en mer de l’automne et les entraînements nocturnes de Castex…

 

J’enfourche donc Tornado et après quelques acrobaties pour sortir du parc de l’hôtel, c’est parti pour 90 km sur mon nouveau grand plateau. Là que du bonheur, le vent souffle soit, de manière plus ou moins favorable ou défavorable selon les sections, mais ajoutez à cela les roues carbones et l’effet caisse de résonnance du casque de contre la montre, je n’ai jamais eu autant l’impression d’être sur un véhicule à moteur. J’entends d’ici les persifleurs persifler. Certains se sont d’ailleurs déjà manifestés sous couvert de l’anonymat relatif qu’offre les réseaux sociaux. Je leur donne rendez-vous sur le pré, à Lacanau.

 

Un parcours idéal pour moi, fait de longs faux plats montants ou descendants avec très peu de relances et oui à Bahreïn côte se dit « Pont » et ascension « bretelle d’autoroute ». Et là, entre deux rafales à décorner les bœufs mais surtout à mettre à terre les heureux propriétaires de roues pleines et de jambes vides,  le doute s’installe. C’est bizarre, personne ne me double….Je double et redouble tout au long du parcours y.c. bcp de dossards de concurrents AWA reconnaissables à leur dossards distinctifs (pour les néophytes et pour chaque catégorie d’âge, Bronze pour le top 10% mondial, Argent pour le top 5% et Or pour le Top 1%). Deux triathlètes en goguette mettent un point d’honneur à me redoubler sur des portions en faux plat montant mais je ne laisse pas impunie cette fourberie et les reprends peu après.

Plus de 40kmh de moyenne sur les ¾ du parcours, c’est grisant, vive mon nouveau grand plateau 54 que je ne quitte pas une seule fois. Souvent tout à droite dans les parties roulantes je me retrouve même obligé de pédaler à des cadences élevées pour respecter l’objectif de puissance. Un passage au 55 ème Kilomètre avec Lotte qui m’encourage bruyamment et avec forces mouvements, tiens elle a l’air contente de moi… Une avant dernière section compliquée avec du très fort vent et même du sable pour la partie la plus proche de la mer mais un constat si c’est dur pour moi ça l’est encore plus pour la plupart des concurrents le vent déséquilibrant fortement avec ses rafales. C’est bien la première fois que je suis content de « peser » J.

 

A moins de 10km un concurrent AWA me double et je ne le reprendrai pas, ce sera au final le seul. Nous finissons le parcours par un tour quasi complet du circuit de Formule 1, plutôt sympa même si le revêtement accroche beaucoup, et nous déposons les vélos quasiment sur la ligne de d’arrivée du circuit. Contrairement à T1 ou les vélos étaient répartis sur une aire trop grande pour « compter » ceux qui manquaient, là les vélo sont bien rangés dans l’ordre d’arrivée et je pose sur la troisième rangée….Tiens, même si je n’arrive pas à évaluer précisément combien il y a de vélos par rangées, je me dis que c’est pas si mal. Mais bon là encore, comme le départ était en Rolling Start, difficile d’évaluer ma place.

 

Après un T2, éclair au café, me voilà parti pour l’inconnu, le semi. Mathilde et Lotte m’attendent juste après le départ de la CAP et leurs encouragements me confirment que je suis pas mal. Un seul objectif dorénavant ne pas perdre trop de places…Cela commence mal, après moins de 500m cela galope derrière moi, et un ovni passe…..ouf il a un dossard relais…Regalop 500m plus tard….ouf une pro féminine. Je me ferai ainsi doubler régulièrement et sans surprise tout au long des premiers kilomètres. Pas grave me dis-je si tu restes à ce rythme et que cela n’empire pas cela restera correct. Je croise les premiers pro entre le 3ème et le 5 ème kilomètre (même si ils sont partis 20m avant moi, ils ont quand même 13 à 15 km d’avance…ça calme). J’encourage Romain Guillaume 4ème et Antony 5ème sur lequel reviens un grand escogriffe à grandes enjambées.

 

Le doute me taraude cependant, où sont tous les nageurs moyens, mais très bon rouleurs et coureurs qui me doublent habituellement sur la CAP. Là aussi je me dis que le rolling start a étiré le peloton et que cela ne va pas tarder à arriver dans les rétro. C’est entre le 16 et le 21 que je vais effectivement perdre le plus de places. J’essaie désespérément d’identifier les groupes d’âge des concurrents mais avec le dossard devant en CAP, et l’absence pour la plupart de décalcomanies de numéros sur les bras (les filous) difficile à dire sf pour les plus jeunes ou les plus vieux.

 

Je me dis alors que c’est dommage et qu’il y aura eu 5 kilomètres de trop pour que je puisse faire une super place et espérer pourquoi pas un slot pour les championnats du monde au bénéfice du rolldown. Il y a traditionnellement au moins 3 slots pour les jeunes vieux et l’an passé le dernier des 4 slots attribués à Bahreïn avait échu au 10ème M40-44…..C’est ballot et je m’imagine dans ma tête le scénario si j’avais réussi à me qualifier, quelle fierté….

Bon on sert les dents, on s’accroche on garde le rythme et on finit . Un dernier concurrent me double à 500m de la ligne, le fourbe a mis son dossard bien en évidence tourné vers l’arrière et je constate amer que c’est un M40-44…me traverse l’esprit une seconde que c’est peut être malgré tout le dernier slot qui vient de passer mais bon comme je ne l’ai pas vu au départ, il est parti après moi en natation donc cela ne change plus rien. Une accélération dans la ligne droite des stands, un coucou à Lotte qui s’est placée à 75 m de l’arrivée et je franchis la ligne en 4h38’’20.

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Le sentiment est mitigé, mi-figue mi dates (oui il faut s’adapter aux produits locaux). Je jette un rapide coup d’œil à la montre pour voir l’allure du semi (j’ai fait tout le semi Sans repères, aux sensations pour éviter de péter), 12,1 kmh pas mal finalement sans mon « lièvre » habituel Gino pour me motiver et avec des sections hyper venteuses (là par contre on regrette de ne pas être plus crevette). Je suis malgré tout content, j’ai fait un vélo proche de l’objectif que je m’était fixé (39,61 kmh de moyenne vs 40kmh) malgré la météo et je n’ai pas explosé en CAP.

 

Le temps de récupérer la jolie médaille, de passer aux massages et de récupérer une doudoune magnifique de finisher (le comble une doudoune à Bahreïn, c’est un peu comme un bikini en Sibérie) et je retrouve Lotte qui me supporte depuis plusieurs jours…

 

Ce n’est qu’une heure après l’arrivée qu’en retrouvant Anto et Mathilde que je découvre que j’ai fini 5ème de mon Groupe d’âge. Je ne comprends pas, je ne veux pas y croire de peur que le rolling start fausse encore les classements mais Mathilde insiste, j’étais 4ème en sortant de l’eau, 3ème en posant le vélo et je n’ai donc dû perdre que deux places en CAP….Mouais, vu que déjà il y a l’italien……On débriefe rapidement avec Anto qui est déçu de sa 6ème place mais reconnais être en fin de saison alors que d’autres tel Romain Guillaume (4ème au final) ont bénéficié de la fraîcheur de la reprise.

 

Récupération des sacs de transitions et de Tornado, retour interminable à l’hôtel en bus (le seul défaut de Barheïn est que c’est une course en ligne avec le départ et l’arrivée distants de plus de 30 km) et je me jette sur mon ordinateur pour voir le classement final. Je suis toujours 5ème !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! J’ai effectivement perdus des places en course à pied (18ème temps de mon groupe d’âge) mais grâce à l’écart creusé en vélo (11ème temps toutes catégories d’amateur confondues), je n’ai perdu que deux places. Une 58ème place masculine une fois retraités des relais et des pros, une 30ème place au scratch amateurs et un immense bonheur.

 

Une attente interminable jusqu’à la cérémonie d’attribution des slots, Anto me dit qu’il y a au moins trois slots pour la catégorie, l’espoir remonte, les trois premiers de la catégorie sont appelés pour les podiums, ils sont tous là, l’espoir retombe. Et puis une « charmante » Italienne assise à notre table qui s’enquiert de savoir qui de nous attend dans l’espoir d’une hypothétique qualification, dans quelle catégorie et avec quelle place au scratch m’annonce tout sourire en anglais, « bah, c’est bon il y a 5 slots de toute façon en M40-44…. « 

« Euh are you sure, how do you know, where did you see that ???? « 

« Bah dehors ils ont affiché la répartition des 30 slots par catégories hommes et femmes…. »  (traduction libre de l’auteur de l’italo anglais au français)

Je pique alors un sprint en claquettes car tel saint thomas je ne peux croire que ce que je vois et une pouilleuse feuille de papier froissé mal scotchée à la vitre jouxtant la porte d’entrée du hall des cérémonies me confirme la nouvelle….5 slots…qualifié d’office sans avoir à attendre un éventuel roll down…Si certains disent que Bahreïn serait associé au jardin d’Eden biblique moi en tout cas je suis au paradis des sportifs du dimanche…..

J’attends alors mon tour, fièrement drapé de ma veste TTM, j’attends fébrilement l’appel de mon nom et me saisit fiévreusement du slot qui m’est tendu, synonyme de qualification pour les championnats du monde 70.3 à Chattanooga dans le Tennessee le  10 Septembre 2017. Bien sûr ce n’est pas Hawaii mais pour moi c’est déjà l’Amérique.

Merci à tous mes compagnons d’entraînement et notamment à l’ensemble du groupe long avec qui les sorties sont moins longues.

Merci à tous les meilleurs nageurs dont je squatte les lignes d’eau à Castex ou Bellevue pour m’obliger à m’accrocher et progresser.

Merci à mon Kiné qui m’a remis sur pieds.

Merci à Anto et Mathilde pour leurs conseils et soutien tout au long de la journée et quel plaisir d’avoir partagé ce super moment ensemble.

Merci aux supporters de toujours, Lotte, Lila, Sasha, Emma et Luka.

Et à tous, pour reprendre une citation attribuée à tort ou à raison à Oscar Wild :

Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles.

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